Extraits du carnet de voyage du mois d’août 1970 tenu par Gaelle Kermen au cours du Festival Isle of Wight 1970 à paraître dans les cahiers 1970. Photos inédites de Jacques Morpain.
Personnages
Gaelle Kermen, étudiante à la fac de Vincennes Paris-8, diariste, 24 ans,
son petit frère Bruno, 12 ans
son cousin Jacques Morpain, étudiant à la fac de Paris-Dauphine, photographe, 23 ans
Texte de Gaelle Kermen (1970)
Photographies de Jacques Morpain (1970)
Tout a été pris sur le vif, sans censure, tel que le festival a été vécu, en direct.
île de wight dimanche 30 août 1970 matinée
vers dix heures les barricades sont attaquées juste au pied de notre colline
entre les deux barricades les flics attendent avec les chiens
une brèche se fait des deux côtés sur une musique de richie heavens qui souhaite good morning in the sunshine
10h15 attaque des chiens dans la grande brèche sur musique toujours pleine d’humour it’s a lazy day
trois minutes avant des messages en français proclamaient
ce n’est qu’un début
très impressionnante cette attaque des chiens avec des échanges de coups rythmés de loin en loin par les chocs des tôles qui tombaient et un disque très caustique de mélanie encore
c’est l’attaque de l’univers concentrationnaire
10h30 il y a six chiens pas plus
un type traverse le passage entre les deux palissades
au milieu il se retourne avec naturel et fait signe aux autres
ça y est c’est gagné
ils passent
tout le monde passe
ce n’est qu’un début continuons le combat
les chiens aboient toujours
des mecs de l’autre côté de l’arène essaient de remettre les palissades mais en vain
les contestataires entrent dans l’enceinte
au micro un type parle en français
car bien sûr les français sont tenus comme responsables des troubles
les français aidés des hells angels bien sûr
et aussi des anarchistes algériens il paraît
mais où vont-ils chercher ça
le type donc nous fait savoir que les organisateurs prétendent avoir un déficit de 90 millions de livres ce qu’il aurait aimé pouvoir vérifier
pour lui le problème est que 200 000 jeunes sont venus ici à wight sans argent pour la plupart en stop dormant par terre pour voir des types qui touchent une fortune pour faire les pitres devant nous
la question est de savoir pourquoi ils demandent de telles sommes tout en se prétendant pour la paix la liberté et l’amour
il se proposait de le leur demander quand il a été coupé
place à la musique
il semble que les français soient d’accord avec lui
ça rejoint ce que nous disait hier soir le journaliste qui nous a interviewés
les anglais n’ont pas conscience d’être récupérés ils acceptent de payer 3 livres parce que les types qui chantent se font payer des millions alors que les français refusent de payer 3 livres parce qu’ils n’admettent pas que les chanteurs soient payés des millions
de même les anglais ne se sentent pas brimés par les palissades de tôle qui pour les français rappellent l’univers concentrationnaire et ils pensent tout de suite à changer l’état des choses
qui a raison
les jeunes anglais semblent choqués par les incidents
quelqu’un dit que ce qui est arrivé ces dernières heures is really disgusting
Texte de Gaelle Kermen – Crédit photos : Jacques Morpain 1970
en mémoire de Bruno le Doze (10/11/1957-10/09/1997) page hommage 1997
ACD Carpe Diem 2017