Le regard naufragé de Johnny

Le 6 décembre 2017 a été une journée de deuil national pour les Français. Mon amie Françoise, vue ce jour-là, était très émue de la mort de son « jumeau », puisque Johnny était né le 15 juin 1943, elle le 25. Elle revoyait sa vie, sa jeunesse, ses danses, ses amours, sur les chansons de Johnny.

Moi non. Je n’étais pas émue, sa mort me semblait normale, cet homme était épuisé. J’avais été choquée de voir des photos de la dernière tournée des Vieilles Canailles de juillet dernier, avec Eddy Mitchel, Jacques Dutronc et Johnny Halliday. Johnny me faisait penser à l’épuisement qui avait emporté Mozart, beaucoup plus tôt en âge, mais pour les mêmes raisons, rapportées à leur temps.

Bien sûr, Johnny a fait partie de ma vie, comme celle de tout le monde qui a connu les décennies des années 60 à maintenant. Surtout que Sylvie Vartan avait quitté notre lycée des Maraîchers, l’annexe d’Hélène Boucher, peu après les vacances de Noël 1960 quand elle avait accompagné au pied levé Frankie Jordan dans Panne d’essence. Bien sûr que nous avions suivi son histoire avec Johnny, il eût été difficile de l’ignorer.

Mais très vite dans la famille, nous étions passés à d’autres styles de musique, quand mon frère aîné, Youennick, m’avait rapporté de Londres en cadeau de Noël 1963 le premier disque intitulé Bob Dylan, où Song to Woody nous avait ouvert d’autres horizons.

Jamais je n’aurais acheté un disque de Johnny et je n’étais pas sensible à sa voix, que je trouvais forcée, alors qu’elle fait fondre encore mon amie Françoise, pour qui Bob Dylan n’est qu’un « petit chanteur » ne méritant pas le prix Nobel de littérature… Nous n’avons pas les mêmes valeurs !

Pourtant, j’ai un souvenir avec Johnny, qui m’est revenu quand je lisais les nouvelles sur mon iPad en me réveillant à 3:34 le 6 décembre 2017, une demi-heure après l’annonce de sa mort. Le souvenir d’un regard épuisé, de celui qui a tout donné à son public et va s’évanouir. Un regard naufragé qui me l’a rendu humain.

C’était le 3 octobre 1971. Mon journal de l’époque ne notait pas les dates, juste les moments, souvent intenses. J’ai dû rechercher dans mon agenda de poche 1971. Comme je suis bonne archiviste, la quête a été rapide.

J’avais été invitée au concert du Palais des Sports par Archibald Legget, le compagnon de ma meilleure amie, Martine Cassou, devenue Martine Moore, artiste-peintre arlésienne maintenant. Archie avait été le bassiste de Johnny et il faisait la première partie du concert avec Gary Wright et Mick Jones du Gary Wright Wonderwheel. J’avais pu aller en coulisse, dans leur loge et j’étais parmi les groupies du premier rang, debout devant la scène. Sylvie Vartan, très belle, très élégante, style 70′, n’était pas loin.

J’avais assisté à de grands concerts, celui de Bob Dylan le 25 mai 1966 à l’Olympia, le jour de ses vingt-et-un ans, j’avais vu Donovan en 1967, plusieurs fois Joan Baez entre 1965 et 1970, j’avais passé trois jours hors du temps au festival de Wight 70 avec les plus grands, Jim Morrison, Jimi Hendrix, Leonard Cohen…

Je ne serais jamais allée à un concert de Johnny Halliday si Archie Leggett ne m’avait pas invitée à venir l’entendre, lui, avec les musiciens de son groupe !

Mais j’étais intéressée par le show en fait sociologique, pour la même raison que j’étais allée à Wight étudier les rituels de cérémonies païennes que sont les grands rassemblements musicaux (j’étais étudiante en sociologie à la fac de Vincennes).

J’ai raconté dans un article pour la revue Esprit comment j’ai vécu le concert à grand spectacle de Johnny Halliday. Encore maintenant, je trouve bien vulgaires tous ces effets spéciaux de grands shows, ces costumes à paillettes clinquantes, alors que je garde au cœur la grâce de Mélanie faisant lever le soleil sur l’île de Wight de sa seule voix avec sa seule guitare.

Après le concert, je suis repartie en coulisse pour retrouver Archie, Gary, Mick et le manager du Wonderwheel, avec qui, d’après mon cahier de l’époque, j’ai passé la nuit quand nous sommes sortis de la boîte La bulle.

J’étais petite et menue, je me faufilais partout et j’osais parfois attendre les artistes à leur sortie de scène, en particulier Laurent Terzieff, dont je ne ratais aucune pièce, au théâtre Lucernaire ou Montparnasse. Cette fois, je n’attendais pas spécialement Johnny, je n’étais pas une fan. Un de mes amants était violoniste de l’Orchestre de Paris, j’allais très souvent aux concerts classiques et j’étais plus sensible aux interprètes et aux cantatrices qu’à Johnny Halliday.

Mais le temps s’est suspendu quand je me suis trouvée seule avec lui dans le couloir, au moment où Johnny allait rejoindre un cabinet médical où un médecin et un kinésithérapeute allaient le recevoir avant qu’il collapse comme chaque soir, ainsi que me l’avait raconté Archibald.

Nous nous sommes trouvés l’un en face de l’autre, tout proches, dans le silence soudain. Ce qui semblait incroyable quand on pensait à la folie qui venait d’avoir lieu dans la salle en surchauffe du Palais des Sports. Il vacillait d’épuisement. Une serviette éponge autour du cou, les cheveux longs mouillés comme s’il venait de survivre à un naufrage, sortant de l’eau. J’ai cru qu’il allait me tomber dans les bras. Il m’a lancé un regard que je n’ai jamais oublié, d’une grande humanité.

Un regard qui disait que cet homme n’était pas une marionnette fabriquée par le show-biz, mais un artiste qui avait donné sa fougue, sa sève, ses forces, sa vie, à son public.

Ce regard que m’a donné Johnny cette nuit-là avant que l’équipe médicale le prenne en charge dans le cabinet dont je voyais la porte ouverte proche — je pensais : « Plus que quelques mètres, Johnny, tu y es ! » comme si j’étais une mouette attentive sur le sable salvateur, je venais d’un pays qui connait les naufrages — ce regard est revenu la nuit du 6 décembre 2017 quand je me suis réveillée à 3:34, une heure après sa mort.

Ce diamant rayonne encore au fond de la mine des années.

J’ai fait un article pour le numéro de Novembre 1971 de la revue Esprit où j’écrivais dans le Journal à plusieurs voix, avec des gens comme Philippe Meyer (sur France-Inter plus tard). Le début et la fin de l’article ont été coupés. Je les ai retrouvés dans mes archives. J’y évoquais cette faiblesse humaine et légitime de Johnny.

Les rédacteurs n’avaient pas jugé utile de le mettre dans l’article.

C’est pourtant cette dimension de Johnny qui fait que je suis un peu en deuil moi aussi.

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Et l’homme qui en a le mieux parlé est celui qui jugeait qu’il n’était pas le mieux placé pour faire, Jean-Luc Mélenchon, qui comprend aussi la tristesse de mon amie Françoise, qui, en pleurant Johnny, revit et pleure les amours passées de sa jeunesse.

« Alors c’est ça qui est intéressant : ils l’aiment pour la musique, pour le personnage, pour la manière d’incarner des textes et puis ils l’aiment surtout par rapport à eux parce que celui qui a été amoureux une seule fois sur la musique de Johnny, il ne l’oublie pas plus qu’il n’oubliera son amour. En tout cas moi je comprends qu’il y ait plein de gens à qui ça fasse du chagrin. Pourtant ils ne le connaissent pas, ils ne lui ont jamais parlé, ils n’ont fait qu’écouter sa musique. Mais c’est un chagrin qu’on a sur la vie qui passe, sur la vanité des choses, sur tout ce qui dans notre propre existence personnelle a pu entrer en résonance avec les autres grâce à une musique ou une chanson. »

Jean-Luc Mélenchon

Vanitas Vanitatis ! Que cet homme repose enfin en paix ! Il a tout donné, toujours.

Gaelle Kermen,
Kerantorec, le 8 décembre 2017


Lien au fac-similé de l’article paru dans Esprit, novembre 71

Lien à l’hommage à Archibald Legget

Lien aux œuvres de Martine Moore (visite de 2009)

Lien à l’article sur le concert de l’Olympia de Bob Dylan

Liens aux articles sur Wight 70

Le festival de Wight 70 vu par 2 Frenchies de Gaelle Kermen et Jakez Morpain, 10 septembre 2017, ACD Carpe Diem

Isle of Wight 1970 : dimanche 30 août après-midi au festival

Isle of Wight 1970 : dimanche 30 août après-midi au festival

Extraits du carnet de voyage du mois d’août 1970 tenu par Gaelle Kermen au cours du Festival Isle of Wight 1970 à paraître dans les cahiers 1970. Photos de Jacques Morpain.


Personnages
Gaelle Kermen, étudiante à la fac de Vincennes Paris-8, diariste, 24 ans,
son petit frère Bruno, 12 ans
son cousin Jacques Morpain, étudiant à la fac de Paris-Dauphine, photographe, 23 ans

Texte de Gaelle Kermen (1970)
Photographies inédites de Jacques Morpain (1970)

Tout a été pris sur le vif, sans censure, tel que le festival a été vécu, en direct.


île de wight dimanche 30 août 1970 après-midi

plus tard nous remontons au festival et là c’est une sacrée fumisterie

nous avons pu entrer dans l’arène puisque maintenant c’est free depuis l’attaque des palissades
je me demande comment on a osé faire payer 3 livres pour ne rien entendre
impossible de discerner la jolie voix de l’adorable donovan

en bas ça ressemble maintenant à un meeting organisé par le parti communiste au bois de vincennes
on est venus en famille passer le dimanche après-midi au festival
on est allongés au soleil
on n’entend que dalle
on participe à peine
comment le pourrait-on puisqu’il semble que seuls les premiers rangs jouissent de la touchante présence de donovan

bref il n’y a que sur la colline qu’on entende quelque chose
la colline c’est toute la grandeur du festival
la nuit ça a autant de gueule qu’un pèlerinage à lourdes
je ne suis jamais allée à lourdes mais je m’attends souvent à voir tomber à genoux les gens sur cette colline comme je l’avais vu à la salette quand j’étais petite

mais où est celui ou celle qui nous fera mettre à genoux ce soir
dylan n’est pas là
i misses him m’a dit un américain

dylan reste le plus grand
on vend ici son disque illégal bootlegger un disque tout blanc très rare au prix de 2 livres et demi
on vend aussi son tarentula ce qui devait être son roman écrit au fil des chambres d’hôtel ou autre mais qu’il n’a pas publié parce qu’il a eu son accident de moto
tarentula est une soixantaine de pages polycopiées signées robert zimmerman son vrai nom pour 10 shillings

rien n’est comparable à dylan
je me rappelle la retransmission du festival de wight 69 faite par michel lancelot sur europe 1 dans campus

il annonçait parfois tranquillement l’arrivée des beatles ou des stones dans l’assemblée
eux qui déchaînent les foules quand ils se produisent quelque part ici leur arrivée ne troublait personne ils étaient là comme les autres au même titre que les autres venus voir le plus grand

le film de pennbaker dont’ look back sur dylan passe ici le soir
nous l’avons vu à londres au paris-pullman
un dylan d’il y a 5 ans en 65
un dylan insoupçonnablement beau
des yeux tendres aux longs cils
des cheveux d’ange
un dylan qui n’a rien a voir avec celui des photos habituelles ni avec celui de l’olympia 66
un dylan vivant mouvant riant mordant
un dylan incisif et doux

deux très belles scènes dans le film
l’une est plus ancienne que le film et date des débuts de dylan chantant only a pawn in their game entouré d’ouvriers noirs
il articulait consciencieusement dans le micro
il avait les cheveux plus courts et encore cet air de boy-scout qui aurait grandi

l’autre se passe dans une chambre d’hôtel à londres entre deux concerts à l’albert hall
joanie baez chante une mélodie très douce
longs cheveux noirs autour du visage grave
elle s’accompagne à la guitare
dylan est devant sa machine à écrire
il écrit
tac tac tac tac
de temps en temps il s’arrête et se laisse bercer par le rythme de la berceuse de joanie
puis il reprend
tac tac tac tac
elle continue avec love is just a four letters word de lui
bientôt il prend lui-même une guitare et il improvise avec elle

oui je crois que dylan est le seul qui me ferait mettre à genoux sur cette colline

 

pentangle bon groupe musique brillante
la chanteuse jacqui mac shee est agréable à entendre
enfin un groupe qui ne se traîne pas dans l’après-midi

le soir la musique jaillit plus spontanément plus naturellement
ce groupe commence à accélérer le rythme de la journée
mélodies sans grande originalité mais bien menées
il nous semble les avoir toujours connues dans une enfance anglo-saxonne

mais si pentangle a bien commencé eux aussi se traînent maintenant
ou alors c’est le vent qui a tourné
on attend toujours plus
ce festival n’a plus grande motivation
je compte sur hendrix et heavens pour chauffer la nuit car ni cohen ni baez n’auront assez d’énergie pour transcender ce festival

les moody blues enfin

le soleil s’embrume dans leurs délicates harmonies dont le melotron retranscrit tous les sons d’un orchestre symphonique
ils auraient sans doute gagné à jouer la nuit
mais ils terminent ce que mélanie avait éveillé
le jour
avec un grand calme et beaucoup de rêve

bien sûr on a droit à night in white satin tube célèbre depuis deux étés au moins
et de leur opéra days of future passed
puis c’est timothy leary is dead de leur search of the lost chord
hommage à la drogue
hommage à la sagesse
hommage à om om om

dans le ciel vibrant un cerf-volant cherche aussi des harmonies perdues dans le rythme
ils font un beau succès les moody blues
grande classe

l’année dernière le melotron était tombé en panne sur scène la foule avait attendu calmement que celui des moody blues qui l’a inventé l’ingénieur le répare
très britannique comme attitude


un organisateur s’obstine à dire que ce n’est plus la peine de détruire les palissades puisque le festival était gratuit désormais

il n’avait pas compris que les plaques de tôle qui s’en allaient comme des petits pains servaient à se protéger du vent pour la nuit

un type à qui on demandait comment il s’était débrouillé pour gagner de l’argent à wight nous a dit
ben on faisait des baraques et on les revendait

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Pentangle on stage

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Texte de Gaelle Kermen – Crédit photos : Jacques Morpain 1970
En mémoire de Bruno le Doze (10/11/1957-10/09/1997) page hommage 1997
ACD Carpe Diem 2017

 

il y a cinquante ans : bob dylan a l olympia

Début du cahier #3 Le soleil dans l’oeil 1966-68

bob dylan on stage olympia 66

dylan2

freefallin’

c’était le jour de son anniversaire

Robert Zimmerman venait d’avoir quel âge c’est très simple il est né le 24 mai 1941 à Duluth Minnesota tout le monde savait ça
donc aujourd’hui c’était le 24 mai 1966 il avait 25 ans et tout le poids d’un monde croulait déjà sur ses épaules étriquées
il devait chanter le soir même
l’histoire se passait à paris
pour être exact sur la scène de l’olympia

je n’ai jamais rien vu de plus gracieux que bob dylan sur la scène
ces longs gestes des bras dans l’air
ces entrechats ébauchés
ces sourires fragiles et cette chevelure frissonnante
son corps mince et ondulant sous la musique

desolation row
la recréation permanente de ses chansons sur la scène nous déconcertait tant
nous qui avions l’habitude d’entendre d’autres accords
c’était facile de dire qu’il n’était pas à sa hauteur sur une scène
mais il était plus fort que nous plus génial que tout
seulement il n’a pas de cadres
et nous nous en créons par faiblesse ou facilité

il caressait son harmonica languissamment nonchalamment passionnément soudain comme on caresse comme on embrasse une femme
ces reprises qui arrachent le cœur
bob dylan assis au piano
ballad of a thin man
and something is happening here but you don’t know what it is
do you mister jones
le piano les accords plaqués avec fureur et désespérance
dylan trépignant comme un gosse qui a envie de casser son jouet parce qu’on lui avait promis un bonbon ou un chou à la crème et qu’il ne l’a pas eu
criant dans le micro son écœurement de ne pas pouvoir croire les autres
ceux qui parlent ceux qui promettent ceux qui sont sûrs d’eux et de ce qu’ils disent
un truc contre l’olympia porno et putain contre coquatrix contre hugues auffray et les autres
tous ceux qui étaient venus le voir l’entendre comme on va au cirque sans comprendre
il est vrai que
the circus is in town
payer pour assister à une chute libre
ce n’était plus bob dylan’s freewheelin’ mais bob dylan’s freefallin’

il y a des gens comme ça qui se détruisent systématiquement avec une ténacité lubrique
n’est-ce pas jean-françois ou michel cournot
ou même moi

il y a des gens qui font tout ce qu’ils peuvent pour se faire détester en embêtant farouchement les autres tout ce qu’ils peuvent pour se faire foutre à la porte sous prétexte de sélectionner les gens intéressants mais en espérant jusqu’au bout qu’on les gardera et qu’on finira pas les aimer
mais des gens comme ça c’est gênant c’est crispant ça vous use en un rien de temps ça vous tue même parfois alors on les fout à la porte et après ils trainent leur désespoir et gémissent sur eux-mêmes mais ils refusent de se mettre à la hauteur des gens
ça s’appelle ne pas faire de concessions

bob dylan devant le micro
ses copains complices derrière lui
dylan debout les jambes emmêlées
un bras en l’air
il parle de moto
the motorcycle black madonna

c’est beau une moto

il saute comme un gamin
il tressaute dans les vibrations et nous on sursaute parce qu’on ne comprend pas
il gueule et dégueule
on n’entend rien
il pousse la sono au maximum et il se marre
il s’amuse tout seul ou se raconte des histoires assez marrantes qu’il confie à son adorable petit minet de guitariste qui se marre avec lui

nous on n’est plus dans le coup
on n’est plus là
qu’est-ce qu’on fout là
on aurait dû aller ailleurs ou manger un couscous dix couscous soixante mille couscous plutôt que d’assister à la chute apocalyptique d’un pantin désarticulé

on aurait dû aller se coucher plutôt que de subir les claques délirantes d’un type qui ne dit plus rien qu’est presque raté d’ailleurs il est drogué alors

et la râlance ma jolie comme m’a écrit michel cournot qu’est-ce que ça vaut

bob dylan c’est grand c’est ample c’est toujours aussi beau ça reste toujours plus haut que la râlance mesquine

bon dylan il a tout à dire
et il dit tout
mais pas ici
pas devant ces gens qui ne peuvent pas suivre ni saisir parce qu’ils n’ont jamais été concernés
pas devant ces gens qui ont payé entre quatre mille anciennes balles et plus dont toi ma jolie entre autres et c’est bien fait pour nous y avait qu’à pas faire ça

lui il s’en moque il est plus grand que nous
bob dylan c’est grand comme une cathédrale comme une forêt comme un océan
c’est ample comme le vent de la mer bien sûr
bob dylan même dans la chute ça a du souffle
dylan c’est aussi grand que du wagner et aussi beau que du beethoven
d’ailleurs tenir une scène avec une telle silhouette fuyante presque éphémère
il faut pouvoir le faire

l’intangible de dylan
on croit le suivre le saisir
déjà il est plus loin
il se donne à autre chose
il est un pas en avant
un ton plus haut
il fuit avec un clin d’œil et se cache derrière un pied de nez

oh et puis zut à la fin c’est obsessionnel
j’aime bob dylan depuis un an
je n’ai jamais aimé quelqu’un si longtemps

malin ça

j’ai encore l’impression de flotter sur ses vibrations électriques du concert de l’olympia
ses accords déchirants cernent ma tête et m’entraînent
sooner or later one of us must know
quoi je ne sais pas
où je n’en sais rien
mais c’est là évident
incompréhensible

et très grand

dylan délirant et déchirant incisif et acéré

Notes sur le concert du 24 mai 1966 à Paris, salle de l’Olympia, retranscrite cinquante ans plus sur ce blog

Bon anniversaire, Maître Dylan !

gaelle kermen
kerantorec, 24 mai 2016

Un article écrit sur mon site perso le 24 mai 1998

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