Combat Nº 7438 Vendredi 14 Juin 1968

Journal de Paris devise : « de la Résistance à la Révolution »

Combat_14_juinDE GAULLE S’EXÉCUTE : IL REND SALAN

La libération prochaine du chef de l’OAS est le prix que doit le Président de la République à l’armée pour l’avoir maintenu au pouvoir

  • Le colonel Lacheroy mis en liberté provisoire à son retour d’Espagne

M. CHALANDON : IL FAUDRA 2 ANS POUR EFFACER LES EFFETS DE LA CRISE

  • Ouverture des négociations chez Citroën
  • Optimisme à Renault et Peugeot
  • La CGT accuse la CFDT d’avoir rompu l’unité d’action

BAC LE 27 JUIN A PARIS

  • Les étudiants nettoient la Sorbonne – concrètement en procédant à une opération propreté – politiquement en luttant contre la « congolisation »
  • Cohn-Bendit serait autorisé à rester en Grande-Bretagne

OPÉRATION LÉGISLATIVES : BOULOGNE-BILLANCOURT

« Le général de Gaulle continue de payer ses dettes. Le plus urgent a été de donner aux travailleurs ce qu’ils demandaient, moyennant quoi le P.C. et la CGT ont accordé un sursis au régime. Maintenant il faut régler le second créancier : l’armée, dont la fidélité sollicitée il y a quelques semaines a permis aux gaullistes de rester en place. (…)
Il y a assez longtemps que nous demandons l’amnistie pour nous réjouir que les événements l’aient imposée. Un groupuscule d’étudiants aura plus fait pour elle que n’importe quoi. C’est une des malices de l’histoire. Mais au fait, et les étudiants ? Pour eux, pas de cadeau, pas de rançon, pas de dette ! Ils apprendront ainsi que la révolution ne profite jamais qu’aux grandes personnes qui ont de l’expérience et l’habitude des affaires. Certains en tireront la conclusion que tous les élans spontanées sont inutiles, d’autres se convaincront qu’une révolution ne doit pas s’arrêter en chemin. (…)
Il n’y a plus rien désormais, politiquement, à la droite du gaullisme. (…) On est très loin de la société nouvelle. Mais on ne sait jamais : le jour où cela lui sera nécessaire, le général de Gaulle s’entendra avec quelque groupuscule trotskyste ou maoiste et il abandonnera un autre de ses principes et il oubliera une autre de ses paroles… »
COMBAT

Dernière page

LES ÉTUDIANTS NETTOIENT LA SORBONNE

Communiqué du Comité d’Occupation de la Sorbonne

« Après la campagne de presse déclenchée contre la Sorbonne et qui vise à discréditer notre mouvement, le comité d’occupation communique :

  1. Un certain nombre de groupes irresponsables qui ne sont ni étudiants ni travailleurs, profitent de la situation de la situation créée ces derniers jours, pour imposer un contrôle quasi policier de la Sorbonne.
  2. La situation sanitaire de la Sorbonne est mauvaise. Elle exige des mesures d’urgence qui ne peuvent être prises que lorsqu’un certain nombre de locaux et d’escaliers seront évacués.
  3. En conséquence le comité d’occupation a décidé, en accord avec les diverses organisation d’étudiants et d’enseignants, de fermer progressivement l’ensemble de la Sorbonne à l’exception de la cour, des cinq amphithéâtres donnant sur la bibliothèque et de l’escalier C.
  4. Cette fermeture durera 48 heures, de façon à nettoyer et désinfecter l’ensemble de ces locaux. Le comité d’occupation a, depuis plusieurs jours cherché, cherche à faire accepter cette mesure aux groupes irréductibles. Devant leur refus, il lance un appel à tous les militants pour l’aider à garder la Sorbonne au service de la lutte.
  5. Nous ne pouvons autoriser plus longtemps que soit donné au pouvoir le prétexte d’intervenir avec ses CRS.
  6. Le comité d’occupation convoque tous ceux qui veulent participer à cette réorganisation à se rendre à 17 h 30, à l’amphi Descartes.

A l’amphi Descartes, après un « filtrage » sérieux, une centaine de militants seulement ont été admis. Dans la cour, par contre, plus de 3 000 personnes attendaient les « consignes ». Le comité d’occupation a fait voter par les militants des comités d’action la fermeture totale pour 48 heures de la Sorbonne à l’exception e la cour, du grand amphi, de l’amphi Descartes et de l’escalier C où sont groupées les commissions.

Le comité d’occupation, exprimant la volonté des militants étudiants, vise en fait l’expulsion des Katangais et de certains autres groupes incontrôlés. Les étudiants sont bien décidés à éviter les incidents graves. Ils savent aussi que le sort de leur Mouvement est au prix de ce « nettoyage ». Réfugiés dans les locaux du rectorat, les Katangais ne semblent pas décidés à négocier. Il reste qu’en dehors de la Sorbonne, certains n’attendent que de providentiels incidents. A la Sorbonne pourtant, la décision est prise, et si nécessaire, les comités d’Action seront mobilisés

BALAYER LA SORBONNE

Depuis quelques jours, la Sorbonne était livrée aux insectes. Certains confrères se sont soudain intéressés « au camp retranché ». (…) Le Comité d’Occupation, approuvé et soutenu par les militants, a décidé de rendre la « Sorbonne aux étudiants ».
Cela vise, bien sûr, les fameux Katangais. Surgis du néant, vite baptisés sur les « barricades », ce groupe s’est installé le 16 mai à la Sorbonne. D’autres groupes l’ont bientôt suivi. Sous la direction de « Jacky », une dizaine, puis une vingtaine ont servi, à leur manière, la Révolution.
Abusant de l’atmosphère d’alors, ils imposèrent vite leur loi et leurs méthodes. Ne parlant pas, pour l’instant, de leurs trafics. Disons seulement que la présence d’un certain nombre de mercenaires en rupture de Congo, ou de prison, ne peut servir que le Pouvoir. En effet, il n’est pas évident que, moyennant finances (un mercenaire, n’est-ce-pas…), les polices du Régime ne s’en servent déjà. (…)
Certes, en été, les fenêtres ouvertes avec la lumière attirent irrésistiblement les insectes en même temps que l’air frais. Mais, le jour venu, les insectes meurent au pied des lampes. Il suffit de balayer. La nuit de la Sorbonne a trop duré. La provocation policière devenait trop claire. Pour l’avoir compris, les étudiants permettent enfin à tous les militants de respirer. De respirer un air moins vicié.
J.A.P.


Gaelle Kermen, Kerantorec, le 4 juin 2018

Extrait de Des pavés à la plage, Mai 68 vu par une jeune fille de la Sorbonne

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