Première Une de Mai 68 : le Nouvel Observateur du 30 avril au 7 mai 1968
Le film de Michel Cournot à Cannes
Très émue de commencer cette série de publication de Unes de journaux d’archives par la couverture de la revue Le Nouvel Observateur avec le profil de Cournot.
Au cours de ma vie, il m’est arrivé de raconter certains éléments essentiels de mes années 60, je parlais alors de l’importance qu’avait eu, au début de mes études, ma lecture hebdomadaire des articles de Michel Cournot sur le cinéma dans Le Nouvel Observateur auquel j’étais abonnée. Parfois, j’ai rencontré des gens qui lisaient aussi le Nouvel Observateur rien que pour les chroniques de Cournot. Nous nous reconnaissions admirateurs de Cournot, soudain émus et nostalgiques d’une époque révolue. Les adorateurs de Cournot sont aussi décalés en cinéphilie que les fans de Kevin Ayers en musique pop des années 70 ou les lecteurs de Malcolm Lowry en littérature anglo-saxonne des années 50. Une espèce à part, avide de champs inexplorés, de découvertes enthousiastes, hors des chemins balisés par la mode imposée. Nous formions presque une société secrète.
Michel Cournot fait partie des personnes qui m’ont donné envie d’écrire et m’y ont encouragée. Son univers était toujours hors des sentiers battus, mais il nous faisait, dans un simple article, vibrer de tant de façons qu’on se sentait régénéré pour la semaine, dans l’attente du jeudi suivant pour le prochain article.
En avril 68, juste avant les événements de Mai qui allaient annuler le Festival de Cannes pour la première fois depuis sa création, Michel Cournot n’était plus critique de cinéma au Nouvel Observateur. Il avait été viré dès 1966, parce que les lecteurs normaux n’aimaient pas qu’il « parle de tout, sauf de cinéma ». Il avait été remplacé par Jean-Louis Bory, qui avait eu le prix Goncourt pour son roman Mon village à l’heure allemande.
Michel Cournot avait tourné un film Les Gauloise bleues. Il devait être projeté au Festival de Cannes. Le Festival n’a pas eu lieu. Cournot n’est pas entré dans l’histoire du cinéma. Mais il est resté dans le cœur et la mémoire de quelques uns d’entre nous, qui lui rendons encore hommage après plus d’un demi-siècle.
De la revue, je n’ai gardé que la couverture dans mes archives.
Les hasards des déménagements impliquaient des choix, j’ai arraché la couverture de ce numéro de Mai, sans doute quand, au mois de juin 1968, j’ai brûlé beaucoup de papiers avant de quitter la rue Visconti où j’habitais avec mon révolutionnaire malgache, Michel Bablon. Il m’a fait brûler des revues cubaines qui pouvaient être compromettantes si une descente de police arrivait dans l’appartement que nous avions prévu de quitter par les toits… Je ne pouvais pas brûler Cournot !
Je regrette de n’avoir pas conservé la collection des numéros du Nouvel Observateur, restées chez mes parents à Saint-Leu-la-forêt, qui ont dû aussi faire des choix quand ils sont revenus habiter en Bretagne.
J’ai gardé les livres de Michel Cournot dans ma bibliothèque, près de ceux de son neveu Patrice Cournot. Tous deux ont été des phares dans ma vie.

J’aimerais tellement pouvoir relire tous les articles de Cournot.
Ils mériteraient une réédition dans un recueil dédié à son souvenir, rien que pour lui.
Gaelle Kermen,
Kerantorec, le 30 avril 2018
Livres de Michel Cournot : Le premier spectateur et Enfants de la Justice
Livres de Patrice Cournot : Le jour de gloire, Le bonheur des autres, Le retour des Indiens Peaux-rouges
Mes cahiers sur cette époque : Le vent d’Avezan et Le soleil dans l’œil.
Gaelle Kermen, Kerantorec, le 30 avril 2018
Blog auteur : gaellekermen.net
Extrait de Des pavés à la plage, Mai 68 vu par une jeune fille de la Sorbonne
Pour en savoir plus sur le film de Cournot à Cannes :
https://www.festival-cannes.com/en/films/les-gauloises-bleues
Sur l’attitude de Michel Cournot pendant les événements de Mai 68, voir :
« Les réalisateurs Milos Forman, Jan Nemec, Michel Cournot, Salvatore Samperi et Mai Zetterling ont un film engagé en compétition mais, témoins de la scène, ils se rangent immédiatement aux côtés des contestataires et se retirent du concours, encourageant les autres candidats et les membres du jury à les rejoindre. »